Fictions et confidences

       D’où vient cette musique ? D’où vient ce sentiment ? C’est grave, c’est léger, ça virevolte et ça s’écoule. C’est un ton, un style qui s’ignore ou se découvre… Des nouvelles, des bribes échappées d’un blog, mais ça suffit pour aimer. Voilà, il y avait des mots dans un grand chapeau, le chapeau sur la tête de Nicolas Bleusher et il s’est allongé dans l’herbe. Le chapeau a roulé, le printemps les a fait éclore, ils sont là, de toutes les couleurs tendres du printemps d’un talent révélé. Oui, je crois que Nicolas Bleusher a du talent, et je ne suis pas la seule. Certains d’entre vous ont évoqué sur le forum l’émotion éprouvée à la lecture des extraits de « Fictions et confidences » : chapeau Nicolas ! 

J’ai demandé à Nicolas Bleusher de nous parler de lui. Voilà son auto-interview. Merci à lui d’avoir accepté de lever un coin du voile, car nous le devinons un peu sauvage, autant qu’urbain…

 » J’écris, de manière plus ou moins régulière, depuis janvier 2005.

Une époque de ma vie pleine de drames et de bouleversements qui a été propice, certains soirs, à prendre plaisir à quelques confidences. J’ai, d’emblée, proposé mes textes via un blog, puis deux, migrant avec le temps de plateformes en sites personnels, mélangeant les genres et les lectorats. Les dispersant, aussi. L’opportunité s’est, peu à peu, transformée en passion. Je suis passé de l’autobiographie à la fiction.

Ma production a été formatée par les exigences de ce nouveau média : des textes courts, efficaces, qui se suffisent par eux-mêmes et qui peuvent être lus indépendamment les uns des autres. « Un bouquet d’évocations. Des souvenirs épineux auxquels se mêlaient des envies de partir, quelques beautés à peine écloses. Il pouvait respirer, s’échappant d’un billet de phrases courtes, le parfum d’une émotion vive et celui, un peu fané, de la mélancolie… » (Les jardiniers du verbe)

Dans la blogosphère, la curiosité des visiteurs – qu’il faut savoir entretenir à travers le dépôt régulier de commentaires, en plus du travail de composition – ne va jamais plus loin que les deux ou trois dernières contributions. Les textes archivés ne sont pas relus. Le lecteur veut du gratuit, du neuf, du régulier, du facile à consommer. Et du qualitatif, s’il peut, pour le même prix. Il faut savoir le toucher en quelques phrases, imposer son style en quelques billets, produire du contenu en continu et être assez varié et inventif pour fidéliser ceux qui s’épanchent en compliments aussi vite qu’ils vous oublient…

Tenir un blog est, en cela, un excellent apprentissage doublé d’une belle école de modestie. Cet exercice a toutefois sa limite : la frustration de l’auteur.

En décembre dernier, j’indiquais à mes lecteurs : « Il faut que je me résigne. Une fois encore, me direz-vous, une fois de plus, me suis-je dit, tout à l’heure, assis, déçu, au milieu de ces morceaux de moi et que personne, ou si peu, n’a la curiosité de suivre. Ce carnet, sans doute, eut la faiblesse d’une ambition. Oui, je l’avoue : j’ai écrit, ici, pour être lu. En vain. Souvent, j’ai voulu remonter le courant de ma désillusion. Rien n’y a fait. Il est temps pour moi de jeter l’encre, simplement de revenir à la rive. Car, finalement, qui étaient mes visiteurs ? Une poignée, changeante, d’autres blogueurs qui se lisent, se congratulent et se lient, entre eux. Une histoire de serpent qui se mord la queue. A force, il disparait. » (Une histoire de serpent)
La notoriété – et par là les échanges qu’elle permet avec les autres – n’est pas qu’une question de style ou de talent. En suis-je seulement pourvu ? Ce n’est pas à moi de le dire. Elle est aussi, surtout, question de chance et de réseau. Je n’ai ni l’une ni l’autre. Et si peu de temps libre. J’ai donc jeté mes textes à la mer, virtuelle… « Debout, devant l’immensité du bleu, je songe encore, les poings serrés, à tous ceux qui, silencieux, passent si près de toi, sans te toucher, sans te comprendre… Le blog s’est éclairci, a pris de jolies teintes. Je sais que la lumière de l’inspiration traverse, parfois, ses hublots froids avec une belle facilité. Tout ce travail pour quelques minutes d’indifférence. J’entends pourtant le bruit sourd de quelques grappins qui effleurent la coque, tentatives d’approche, intérêts furtifs pour ce lieu vague et son capitaine. Qu’importe. Je serais là, comme une trace… » (Le mot de passe)
Ma démarche d’auto-publication – au-delà de matérialiser dans l’objet Livre des mois ou des années de travail – est une opération de pages tendues vers le monde des lecteurs ordinaires. Une attente un peu folle et dérisoire quand je considère que les intervenants sur le forum de TheBookEdition sont, comme dans la blogosphère, pour la plupart des auteurs eux-mêmes. Une façon différente de boucler la boucle sans jamais pouvoir en sortir…
Merci, simplement, à Annie qui me donne, ici, l’occasion, précieuse, de me faire entendre.

A Paris, le 22 05 2010
Nicolas Bleusher  »

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