Comment débuter brillamment un roman ? Peut-on écrire un roman à partir d’une phrase, la première ? L’incipit, c’est la première phrase d’un livre, celle qui peut inciter le chaland-lecteur à s’arrêter pour en savoir plus. Une phrase pleine, déjà, du mystère du livre, excitante, personnelle, marquante. Pourquoi l’incipit est-il si important ?
Exemples d’incipit qui fonctionnent :
1- « Longtemps je me suis couché de bonne heure. » (Marcel PROUST, « Du côté de chez Swann »)
2- « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » (Louis ARAGON, « Aurélien »)
3-« Je ne sais pas trop par où commencer. » (Paul CLAUDEL, « les âmes grises »
ou
4- « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » (Paul NIZAN, « Aden Arabie »
ou celle-ci, 4- « J’ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong. »
ou
5- « L’œil, d’abord, glisserait sur la moquette grise d’un long corridor, haut et étroit. Les murs seraient des placards de bois clair, dont les ferrures de cuivre luiraient. » (Georges Pérec, « Les choses »
ou encore
6- « Avançons dans la genèse de mes prétentions. » (« Vies minuscules », chef d’œuvre de Pierre Michon. )
Vous voyez, il sait faire court pour accrocher ! Commencer une biographie comme un prince pour évoquer les vies de grande pauvreté matérielle et affective dans un coin de la Creuse… Ce livre est un chef d’œuvre, on le trouve en poche. Courez l’acheter.
Rien que dans cette dernière phrase, « Avançons… » : nous sommes avec Pierre Michon , nous avons déjà échangé sur le sujet, il nous invite à aller plus loin. « dans la genèse de mes prétentions . » Bigre ! On a déjà une appréciation sur le caractère de notre compagnon de route. Prétentieux ? A moins qu’il ne revendique un héritage ? Michon nous a déjà assez titillés. Allons-nous le haïr ? D’abord, il faudra le lire.
Nous aussi, nous avons des prétentions. Jouons donc avec les incipits ! Voici deux types d’exercices que nous vous proposons :
Ecrire la suite de ces incipit :
Utilisez un vers extrait d’un poème de Victor Hugo qui débuterait un livre. Ecrivez trois phrases à la suite de ce vers, qui donnent envie de connaître la suite. Choisissez parmi :
« Aimez-vous ! C’est le mois où les fraises sont mûres. »
ou « Que dit-il, le brin d’herbe ? Et que répond la tombe ? »
ou « Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! Faites envie… »
(vers extraits du poème « Crépuscule », in « les contemplations » de Victor Hugo)
Attention, certains d’entre vous usent de force citations avant de commencer leur ouvrage, ce qui est au demeurant très risqué. Là il s’agit de s’aider de la substance du vers pour débuter le livre.
Imaginez un incipit pour un roman en partant d’un tableau :
Choisissez un tableau comme « Le cri » de Munch ou « Réunion de famille» de Frédéric BAZILLE ou « La naissance de Vénus » de Boticelli.
Vous pouvez nous présenter le résultat de votre cogitation en commentaires sous cet article. Nous attendons vos productions avec impatience. 😉
5 octobre 2012 at 11:32
Voici un incipit pour le cri. Certes facile…
« Au commencement, j ai crié. »
un rappel du moment où nous avons tous crié…
Myric Drane
10 octobre 2012 at 14:18
Merci Myric !
N’hésitez pas à vous exprimer, j’attends vos idées lumineuses. Et pourquoi pas deux phrases après l’incipit, pour voir vers quoi cela vous a fait partir…
11 octobre 2012 at 09:53
Pour le cri, je propose : “Aline ne reviendra pas”.
Pour la naissance de Vénus je propose : “Les coquillages sont amers et la mer n’en finit pas de me surprendre”.
Pour la réunion de famille, je propose ce qui est déjà l’incipit d’un de mes textes : “France, terre d’asile d’aliénés”.
Plus difficile, je vous propose de réaliser un tableau illustrant cet incipit d’une de mes nouvelles : “Je pense à Claude et son poème étrange d’une femme disparaissant dans le rétroviseur”.
11 octobre 2012 at 10:36
« Aimez-vous ! C’est le mois où les fraises sont mûres. »
Il suspendit la voix après ce tour de force et on eût dit qu’une foudre silencieuse s’était abattue dans la nef. Le prêtre et les paroissiens se défièrent du regard, lui scrutant les rangs de sa position surplombante. Il les provoqua d’un sourire, et reprit son sermon sur la phrase où il l’avait arrêtée.
« Que dit-il, le brin d’herbe ? Et que répond la tombe ? »
« Ouvre-toi, tombe, laisse entrer le soleil, et que je goûte à la terre fertilisée par ce corps que tu détiens. » Mais la tombe est muette par vocation et d’humeur impassible. Des prières, elle en a entendu d’autres.
« Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! Faites envie… »
Il tourna trois fois la phrase avec chaque fois une intonation différente, et conclut : « Je pense que vous n’avez pas tout compris. L’amour est le mot-clef d’une campagne pour la contraception, mais à condition de bien différencier avec l’incitation à la débauche, et de ne surtout pas invoquer Dieu. »
11 octobre 2012 at 16:37
vous allez vivre un drame et il commence comme ça.
Tel est mon incipit.
21 octobre 2012 at 16:07
Réunion de famille :
« Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais remarqué que ma tante et mes deux cousines étaient toujours vêtues de bleu lors des repas familiaux. Je m’interrogeais sur cette habitude que je jugeais très conventionnelle lorsque la dispute éclata. »
30 octobre 2012 at 10:43
« Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Chaque matin, je regardais avec inquiétude le chemin de la journée nouvelle, vidé par la nuit de ses traces d’embûches et de ses passants pressés. » in Une coupable attention TheBookEditon
5 novembre 2012 at 13:26
Incipit pour le cri : 22h34…
Il ne restait plus beaucoup de temps pour profiter des 4 jours fantastiques et de leur remise exceptionnelle. Vite, il devait encore modifier le prix du livre, retoucher un paragraphe mal aligné… Il se mit à jongler à toute vitesse avec ses logiciels, maudissant le temps qui s’écoulait inexorablement. Enfin, après avoir dû aussi retoucher la couverture, puis la sortir en JPG et enfin l’envoyer sur TheBookEdition, il put finaliser sa commande. Mais, lorsqu’il arriva sur la page qui aurait normalement dû lui proposer la remise exceptionnelle, un message l’informa que ses modifications devaient d’abord être validées. Alors, le cri jaillit !
15 novembre 2012 at 17:43
Pour « Dieu veut qu’on ait aimé… »
Vivez l’amour fou! Pas la tendresse, pas le train-train, mais le transport amoureux qui donne des ailes, le désir fou qui fait trembler, la passion qui vous transforme et donne l’extase, qui fait toucher le ciel ou tout est miel et volupté! On ne peut pas mourir sans savoir!
Puis pour » la naissance de Vénus »
Ce manteau de cheveux blonds vénitiens, aériens sous le souffle de zéphyr, m’éblouit et m’attire comme un aimant! Tout le talent de l’orfèvre du Quattrocento est dans ce visage ciselé, encadré de cette prodigieuse parure qui donne une grâce infinie à ce corps glorifiant la bonté divine et qui se livre mais avec pudeur. Embarquement pour Cythère ?
18 novembre 2012 at 21:21
Pour le cri : « je ne l’avais pas reconnu sur le coup. le pan obscurci de ma vie de « demoiselle » redevint net : j’y étais à nouveau. Comment peut-on s’abandonner si facilement ? »
19 novembre 2012 at 23:12
Pour » le cri »
Un écho résonna dans la grotte lugubre, un frisson parcouru ma colonne vertébrale, je sursautais , quel était ce son ? cette onde ? quand je le vis « lui » après une marche au souffle coupé, je compris sa douleur et qu’il avait crié de peur, de froid et de souffrance…
27 novembre 2012 at 17:38
Voilà ce que m’inspire “Le cri“ Le cri du sentiment est toujours absurde, mais il est sublime, parce qu’il est absurde.