carreras.jpg

Interview de Christophe Carreras, auteur de Nuages de Princesses, novembre 2008

D’où vous est venue, et à quel âge, votre envie d’écrire ? Quelles étaient vos espérances, et quelles sont-elles aujourd’hui ?
Je n’ai jamais eu l’envie d’écrire. Il y a une dizaine d’année, quand j’ai commencé à poser sur le papier mes premières rimes, je ne lisais que des bandes dessinées (Tintin, Astérix, Les Schtroumfs). Ces textes-là sont au fond d’une malle et ils n’en sortiront pas. Le vrai départ fut un amour. C’était en 1999, j’avais 15 ans. Le texte s’appelle Vénus et se retrouve dans mon recueil de poèmes, Kheir. J’écrivais alors énormément pour évacuer ce que je ne savais pas dire de vive-voix. Je n’arrivais pas à m’exprimer.
Aujourd’hui, j’aimerais beaucoup écrire un roman, chose que j’ai essayée à plusieurs reprises sans jamais le terminer ou en être satisfait. Je les présente dans
Rien que pour vos yeux couleurs d’aurochs. J’ai une idée, reste à l’écrire.

Quelles lectures vous ont bercé, guidé, éclairé ?
Lecture serait un grand mot. Certes, je me suis immergé dans bon nombre d’univers d’auteurs que j’ai dévoré avec beaucoup de plaisir. Je citerai René Barjavel (Une Rose au Paradis) et Robert Merle (Madrapour) pour leurs romans d’anticipation ; Camille Laurens (Dans ces bras-là), Murakami Ryu (Les Bébés de la Consigne Automatique) et Dai Sije (Balzac et la petite tailleuse chinoise) pour leur prose moderne.
Mais ce sont surtout les artistes musicaux français, ces poètes chansonniers, qui me portent. J’écoute beaucoup de pop et de rock français, et en particulier leurs mots. Ils se retrouvent partout dans mes histoires, Christian Décamps d’Ange en tête et son univers si merveilleux (
Troisième Etoile à Gauche est à écouter sans modération) ; mais aussi Nicola Sirkis, Claude Nougaro, Bertrand Cantat, Mickaël Furnon, Guillaume Cantillon ou Cyrille Paraire.
Il y a aussi des films qui me marquent, deux se retrouvent dans
Nuages de Princesses. L’effrayant Day Night, Day Night et le bouleversant XXY.

De quoi est fait votre univers intérieur, mis à part la littérature ?
Je viens d’aborder la musique précédemment, elle est omniprésente. J’aime aller en concerts, rencontrer les artistes. Je ne me dis pas fan, mais il y a des groupes que j’aime écouter et voir en vrai (Indochine, Ange, Mickey 3D, Kaolin, etc.). La musique m’a fait mettre un pied sur la toile. Après un site non-officiel autour de Mickey 3D très remarqué par le groupe et les fans, Le web a peur, Mickey m’a proposé de concevoir son site perso. Les En’forez m’ont confié l’une de leur vitrine sur le net et Le Comte de Fourques m’a donné les clefs de son site officiel.
Une autre partie de mon univers est tournée vers le théâtre. Tout a commencé fin 2000 au lycée, où une amie avait écrit une pièce et elle m’avait proposé un petit rôle. J’ai accepté sans trop me faire prier et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Depuis, je continue de monter sur scène, en parfait amateur. Je suis cette saison à l’affiche d’une comédie avec une troupe isarienne et au Conservatoire municipal de Gisors.

Votre première nouvelle, Pelleteuse de Nuages, prend la forme d’un petit monologue très poétique d’une enfant de onze ans. Le monde des enfants vous parait-il comme plus propice à l’imagination et au rêve ?
L’enfance, c’est l’innocence, la liberté de rêver et d’imaginer des mondes constitués de fées et de princes charmants. Alors oui, ce monde est beaucoup plus propice à l’imagination. Lorsque je parle de l’enfance, le rêve met un pied dans la réalité, les personnages s’envolent dans leur imaginaire. Alors que dès qu’arrive l’adolescence, la tête se vide de rêves et se remplit d’interrogations, de doutes sur la vie et l’amour. Ça nous bouffe beaucoup de temps, l’amour.
La première histoire n’a donc rien à voir avec le reste de
Nuages de Princesses. Les autres parlent de l’amour et s’interrogent sur des faits de sociétés, peut-être parfois trop survolés. On retrouve cependant la petite Jeanne quatorze ans plus tard à la fin du recueil, et on découvre si son rêve s’est réalisé ou pas…

Ecrire au féminin, est-ce un défi que vous vous êtes lancé, ou une recherche d’approfondissement des différences hommes femmes ?
Ni l’un ni l’autre. Au départ, je voulais articuler ce recueil sur les peurs. Deux ont été conservées, on retrouve la peur du dentiste et celle de l’avion. Je venais de lire La taille d’un ange de Patrice Juif où il ne parlait qu’à la première personne du singulier. D’un autre côté, des amis proches me disent souvent que je pense comme une fille, voire même que j’en suis une. Je me suis dit « pourquoi ne pas jouer avec ça? », et je me suis lancé dans le jeu du « je » féminin. La peur a laissé la place à la société actuelle suite à ce que j’avais lu, vu et entendu dans la presse ou au cinéma (les accidents de la route, le SIDA, le suicide, l’homosexualité, l’hermaphrodisme, les attentas). Il paraît qu’on reconnaît relativement souvent que c’est un homme qui parle. Un comble.

Comment avez-vous fait la découverte de TheBookEdition.com ? Appréciez-vous ce mode d’édition ?
J’ai découvert TheBookEdition.com quelques semaines après la création de la maison, début décembre 2007, à la radio. Une pub qui vantait les mérites d’une maison d’édition en ligne qui ne demandait aucun engagement financier. Je me suis dit « encore une! ». Mais non, avec TheBookEdition.com, on pouvait ne commander qu’un seul exemplaire, sans payer aucun frais supplémentaire si ce n’est le prix de fabrication du livre. Je me suis donc lancé avec le recueil que je venais de terminer, Les coquelicots sont éphémères. Cela m’a permis de rencontrer des lecteurs mais aussi des passionnés des livres : libraires, bibliothécaires, organisatrices de salons. Le premier s’est écoulé à presque soixante-dix exemplaires. Pour un début, c’est un bon début. Et l’aventure ne fait que commencer…

Quel votre projet le plus fou ?
Le plus fou ? Je pense que c’est d’avoir détourné un oiseau pour traverser la baignoire et dire à une personne importante à quel point elle compte pour moi et combien je tiens à elle… On croit que ça n’arrive que dans les films ces choses-là, et puis finalement non. Je ne pense pas, j’en suis sur.

Enfin, par quoi avez-vous envie de terminer cette interview ?
Il y a une phrase de Camille Laurens qui exprime quelque chose de vrai : « Il ne suffit pas plus de humer l’air pour être humain que d’écrire pour être écrivain ». Elle résume très bien ce que je suis, un être humain qui ne fait pas que respirer, mais qui aime et souffre. Je suis un être humain qui exprime par l’écriture mes joies, mes peines et mes incertitudes. Je ne suis pas écrivain, je m’imprègne de ma vie, de mes amours passées, de ce que je vois et j’entends pour écrire mes histoires. Sans cela, je n’aurais pas de matière. Un livre n’est pas l’œuvre d’une personne mais le récit d’une vie, composée par des rencontres. Je voulais que Nuages de Princesses ne parle à aucun moment de moi, et même si ce sont des filles qui racontent, elles intègrent des instants de ma vie, des moments magiques ou brûlants. Sauf que là, ils sont fictionnels, frictionnés. Je me mets à nu dans à travers mes textes.


Je terminerai cet entretien en saluant de près ou de loin ces rencontres qui ponctuent ma vie et qui se retrouvent malgré elles entre mes lignes.

Merci à TheBookEdition pour ce qu’il offre aux auteurs en herbe comme moi.
Christophe Carreras.

Je serai en lecture publique le 12 décembre 2008 à Gisors.